On peut, sans expertise préalable, à travers quelques outils et avec un peu de bon sens, esquisser la structure générale d’une entreprise.
Loin d’être exhaustif, cet article vise à rationaliser l’étude d’une activité professionnelle à travers ses éléments principaux (produits, clients, concurrence, ressources, modèles), tirant notamment parti des enseignements de l’Art de la guerre.
De nos jours, on recommande parfois l’étude de l’Art de la guerre (孫子兵法) de Sun-Tzu (544-496 avant J.C.), comme base pour évaluer, gérer une entreprise, non sans raison: les préceptes de l’ouvrage s’appliquent dans un cadre plus large que celui des conflits armés, ont fait leurs preuves, correspondent au degré de compétitivité de l’économie moderne.
Citons notamment:
Connais ton ennemi et connais-toi toi-même; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux.
Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales.
Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par tes défaites.
– Sun-Tzu, l’Art de la guerre, Article III
Remarque: La traduction précédente reste proche du texte original (cf. ci-dessous), ce qui n’est pas systématique: le chinois, notamment classique, se traduit dans nos langues occidentales avec avec une perte d’information plus ou moins considérable. En ce qui concerne Sun-Tzu, les intéressés peuvent s’orienter vers des revues de différentes traductions françaises, ou ne serait-ce que comparer deux traductions: celle en anglais de Lionel Giles (1875-1958) (en), et celle en français du Père Amiot (1718-1793).
Appliqué à la création/gestion d’entreprise, on peut en tirer la nécessité de bien connaître:
- soi-même;
- son entreprise;
- ses employés partenaires;
- ses produits;
- ses clients, clients potentiels;
- ses concurrents;
- d’éventuels modèles, sources d’inspiration;
- etc.
Les points suivants permettent d’acquérir de l’information, dans le but de raffiner progressivement une idée de départ un peu vague. En itérant successivement, et avec un peu d’effort, il devrait être possible d’en dégager une idée de projet plus cohérente, plus plausible.
Produit
Généralement, l’entrepreneur potentiel commence avec une idée plus ou moins vague de produit/service qu’il souhaite développer, produit qui souvent résout un problème/besoin existant, identifié.
Il est raisonnable de garder cette idée volontairement vague pour l’instant, et ainsi de se laisser la place pour l’affiner, à mesure que la compréhension du domaine et de la concurrence progresse.
Clients
Typiquement, un produit ne s’adresse pas à toute la population, mais à une partie seulement de la population.
Par exemple, les parfumeurs mettent en place des études visant à mieux comprendre les attentes du public selon:
- le genre;
- l’âge, ou les catégories d’âge;
- la catégorie sociale;
- situation géographique;
- situation culturelle;
- etc.
Dans le jargon, ce processus de catégorisation s’appelle une segmentation du marché. Un tel découpage peut permettre:
- d’affiner une idée de produit encore vague;
- d’affiner l’établissement du prix;
- d’éviter de proposer un produit indésirable, et/ou indésirable à une certaine catégorie de la population;
- de polariser le design, les arguments de ventes, la publicité;
- etc.
À nouveau, l’identification des clients peut volontairement rester vague à ce stade, afin de permettre un affinement progressif.
Concurrence
De nos jours, il est rare que l’on arrive ou évolue seul bien longtemps sur un marché. Une bonne connaissance de ses concurrents est appréciable, puisque l’on peut en retirer notamment des exemples:
- de produits/clients/prix existants et/ou inexistants;
- de stratégies commerciales;
- d’évolutions potentielles;
- d’erreurs stratégiques;
- de sous-marchés inexploités (segments de population);
- etc.
Ces informations permettent donc à nouveau d’affiner la structure potentielle de l’entreprise.
Ressources
Les ressources disponibles, qu’elles soient matérielles ou humaines, peuvent aussi guider la structuration du projet.
Par exemple, un manque de ressources matérielles n’est pas forcément une mauvaise chose: cela peut inciter à un début humble, économe, avisé étant donné la faiblesse relative naturelle d’un nouvel arrivant dans un environnement hostile.
Une abondance de ressources donnera lieu à des stratégies différentes. Par exemple, une entreprise florissante peut choisir de se diversifier en essayant de prendre de vitesse des adversaires dans une zone géographique encore inexploitée, mais une stratégie hostile pourrait leur être néfaste à terme, et inciter la méfiance de clients potentiels à court terme.
Sun Tzu dit : Anciennement ceux qui étaient expérimentés dans l’art des combats se rendaient invincibles, attendaient que l’ennemi soit vulnérable et ne s’engageaient jamais dans des guerres qu’ils prévoyaient ne devoir pas finir avec avantage.
Ils avaient pour principe que l’on ne pouvait être vaincu que par sa propre faute, et qu’on n’était jamais victorieux que par la faute des ennemis.
Se rendre invincible dépend de soi, rendre à coup sûr l’ennemi vulnérable dépend de lui-même.
Être instruit des moyens qui assurent la victoire n’est pas encore la remporter.
– Sun-Tzu, L’Art de la guerre, Article IV
Notamment, l’argent est à l’entreprise ce que l’eau est à l’homme, une condition sine qua non. Il est capital d’en avoir une bonne maîtrise, notamment dans le temps.
Flexibilité
Arrivé à ce stade, l’idée s’est probablement affinée. Il reste néanmoins judicieux de toujours s’autoriser un certain degré de flexibilité, par exemple en:
- continuant de la développer via ce même processus;
- regardant d’autres concurrents;
- envisageant d’autres produits ou clients potentiels;
- évaluant les changements dans le temps des concurrents/du marché.
Exercices, ressources
Pour s’entraîner, on peut étudier les causes du succès des grandes entreprises, par exemple en comprenant quels sont leurs produits, clients, ressources, et comment elles se distinguent de leur concurrence, comment elles considèrent leurs employées, etc. Notons que l’étude des échecs est tout autant valorisante.
Quelques suggestions:
On peut aussi regarder le caractère/comportement d’investisseurs de renom, comme Warren Buffett, au vu degré d’expérience qu’ils ont acquis en terme d’évaluation d’activités commerciales:
Successful investing takes time, discipline, and patience. No matter how great the talent or effort, some things just take time: You can’t produce a baby in one month by getting nine women pregnant.
(Un bon investissement demande du temps, de la discipline et de la patience. Qu’importe le talent ou l’effort, certaines choses ne peuvent être pressées: on ne peut faire un enfant en un mois en mettant 9 femmes enceintes.)
Time is the friend of the wonderful company, the enemy of the mediocre.
(Le temps est l’allié d’une bonne entreprise, l’ennemi d’une mauvaise.)
– Warren Buffett, via ruleoneinvesting.com (en)
Concernant Sun-Tzu:
- suntzufrance.fr, un site français sur le sujet;
- Le blog de Jérôme Gabriel sur le site du quotidien suisse Le Temps;
- Version chinoise et traduction anglaise de Lionel Giles (en), via ctext (en) ou archive.org (en);
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